Précocité, déficit d’offre, marché instable, ont marqué la saison 2020 des fruits à noyau, qui se termine sur des cours exceptionnellement élevés et un premier bilan en demi-teinte.
« Cette saison a été particulière à plusieurs égards », commence Raphaël Martinez, directeur de l’AOP pêches et abricots de France. En abricot, la récolte a été particulièrement faible partout en Europe, avec un déficit en France de 50 à 60 % en moyenne, particulièrement marqué en Bergeron. La production est arrivée avec une relative précocité, dans un contexte commercial tout d’abord très porteur pour l’origine France pendant les mois de mai et juin, ce qui a facilité la bascule de l’origine Espagne vers la tricolore. S’en est suivie une situation beaucoup plus tendue sur les prix à partir de juillet, lorsque les enseignes sous-performantes durant le confinement ont essayé de rattraper leur retard sur leurs concurrentes, moyennant la traditionnelle guerre des prix. Néanmoins, la faiblesse de l’offre cette année et son excellente qualité ont contribué à maintenir des cours exceptionnellement élevés, du jamais vu ces dernières années en abricot. « La campagne pourra être positive pour ceux qui avaient de la production, mais le déficit est énorme pour d’autres. Difficile aujourd’hui de faire un bilan moyen », conclut Raphaël Martinez. Il souligne également la mutation en cours de la filière abricot, porteuse d’une dynamique vertueuse : « La production, en baisse structurelle, devrait passer en dessous des 150 000 t de moyenne nationale. L’indicateur qualité développé par l’AOPn est progressivement utilisé par les opérateurs et ces critères de qualité sont peu à peu intégrés dans la sélection des variétés et les cahiers des charges distributeurs. » Une marche en avant qui devrait réellement tirer le produit vers le haut, l’objectif étant de gagner le cœur des consommateurs.
La campagne pêche-nectarine a été marquée par un léger déficit de production (environ 10 %) et surtout par une précocité exceptionnelle, d’une à trois semaines en avance par rapport à 2019. « De gros volumes sont arrivés dès la semaine 23, tout début juin. Heureusement certains distributeurs ont vraiment joué le jeu. On a frôlé la “rupture” début juillet, avec 7 000 t de stock, mais heureusement le marché a tenu », analyse Bruno Darnaud, président de l’AOPn, qui insiste sur le caractère inédit de cette campagne, dont l’évolution des stocks est diamétralement opposée à celle de 2019, qui s’était terminée par un marché surchargé à la fin de l’été. Cette année, le marché s’est au contraire fluidifié à partir du 20 juillet. Et les fruits ont littéralement commencé à manquer à partir d’août. Les cours sont restés élevés jusqu’à la fin de l’été. « C’est une campagne positive pour une majorité de producteurs, avec cependant de fortes disparités dans les rendements, liées à des problématiques phytosanitaires croissantes », résume Raphaël Martinez. À cet égard, il souligne « la ligne de crête » sur laquelle les producteurs évoluent, un chemin d’équilibre très étroit pour maintenir un rendement satisfaisant dans un contexte de montée des ravageurs (cicadelle verte, punaise diabolique, forficule), de diminution des molécules chimiques autorisées pour la protection phytosanitaire et d’attentes sociétales toujours plus écologiques. Un contexte dans lequel le potentiel de production de pêche-nectarine français s’est presque stabilisé entre 180 000 et 200 000 t, moyennant une concentration croissante du verger dans des exploitations extrêmement performantes.
« Le marché français donne la priorité à l’origine France, mais pas à n’importe quelle condition », prévient Raphaël Martinez, qui insiste également sur la préférence donnée à la nectarine par rapport à la pêche ronde. L’an prochain, il faudra peut-être « savoir aussi répondre à une demande de prix », selon l’évolution de la situation économique dans l’hexagone. Peut-être une opportunité de valoriser des produits souvent négligés (catégorie II).