À l’instar de l’horticulture ou de la noix en 2022 et 2023, la France a accueilli à sont tour la 17e édition du Symposium international sur l’abricotier et la 12e édition sur le prunier, organisés la semaine du 22 au 26 avril dernier.
L’événement a réuni scientifiques, techniciens, obtenteurs et éditeurs, mais aussi responsables professionnels des cinq continents qui travaillent sur la génétique et l’amélioration de ces cultures dans les pays où elles se déploient. L’objectif de ce congrès international, organisé à intervalles réguliers, est toujours le même : créer des interconnexions, accroître et diffuser les connaissances pour améliorer l’état de l’art, faire émerger des projets autour des champs d’expertises mondiaux, en mode « fertilisation croisée ».
Organisé sous le haut patronage de l’Inrae – avec, en particulier, le concours de l’expert en génétique de l’abricot Jean-Marc Audergon, dont c’est probablement le dernier congrès, et de Bénédicte Quilot, experte en amélioration des plantes – avec l’ISHS (International Society for Horticultural Science), dans le prestigieux Palais des Papes d’Avignon les quatre premiers jours, l’événement s’est terminé le 26 avril dans la Drôme, dans un parcours co-organisé avec la filière fruits à noyau rhônalpine (Sefra et réseau Écophyto ferme et expé, Lycée agricole du Valentin, Inrae de Gotheron). Génétique et génomique, adaptation au risque climatique, lutte contre les ravageurs et maladies, post-récolte et qualité du fruit, création variétale et évaluation, systèmes de cultures et pratiques culturales : l’essentiel des thématiques qui motivent les professionnels ont été décortiquées.
Alors, qu’en retenir ? Que face à l’impérieuse nécessité de continuer à produire dans un contexte de réchauffement climatique, de protéger au mieux ses vergers tout en restaurant la biodiversité et la fertilité des sols, « une autre façon de travailler dans un continuum recherche et développement s’impose. Apprenons à rêver ensemble ! », a exhorté Jean-Marc Audergon. En l’occurrence, il s’agit de passer d’une approche ciblée (pathogène centrée) à une approche systémique, dans la recherche d’une optimisation « tout terrain » et non plus « formule 1 », plaçant le consommateur au centre du jeu. Ces considérations posées et partagées par tous, retour au quotidien, où s’accumulent injonctions contradictoires, difficultés et aléas, qui font que produire devient un exercice périlleux, tel que l’admettent chercheurs et producteurs invités à débattre en table ronde au Lycée du Valentin.
Mieux modéliser les heures de chaleur
« Nous sommes face à des changements systémiques importants, des éléments climatiques que nous avons du mal à comprendre. Nous aimerions que la recherche puisse nous aider à poser un modèle pour savoir et anticiper ce qui se passe. Notre modèle d’heures de froid ne joue plus. Il faut aller plus loin : comment mieux modéliser les heures de chaleur quand normalement il devrait faire froid ? C’est une vraie question posée à la recherche, et nous avons besoin de mettre en perspective le verger pour essayer de le sécuriser au niveau variétal », a adressé Muriel Millan, responsable technique de l’AOP Pêches et Abricots de France. « C’est la question du risque : quel risque prenons-nous et comment nous organisons-nous collectivement pour y faire face ? Nous sommes un peu sur cette ligne de crête où nous avons des choix à réaliser, qui vont engager nos positions commerciales, tout simplement. S’il y a trop d’incertitudes, le producteur va prendre la décision d’arrêter », a appuyé Régis Aubenas, producteur et président de Fruits Plus.
Daniele Bassi, chercheur à l’Université de Milan (Italie), a recommandé, pour s’en sortir, de reconsidérer les régions effectivement adaptées à l’abricot, qui évoluent avec le climat. « Ce n’est pas au marché de commander. Le marché commande ce que les producteurs ont planté ! On ne demande pas à l’abricot d’être rouge ou brillant ! Il devient urgent d’offrir un bon abricot, pas que sur les aspects extérieurs ». Et il a assuré : « Nous avons beaucoup d’outils agronomiques pour gérer les extrêmes climatiques. » Et Danilo Christen (Agroscope, Suisse) d’ajouter, non sans ironie : « Nous sommes tous conscients des défis, mais il faut que nous descendions de notre tour d’ivoire et que le producteur sorte aussi de la logique payée au kilo et à la quantité de premier choix. Le problème est que seul le producteur porte le risque. La seule façon de s’en sortir est de se regrouper comme une AOP, en innovation collaborative, et d’arriver à traduire la recherche en action concrète. »
Une approche participative sur toute la chaîne
Dans cette perspective, « il serait bienvenu que le cahier des charges professionnel sur les variétés et la qualité des abricots devienne une norme, une règle dans la profession, et le confronter à chacun des créneaux de maturité », a suggéré Jean-Marc Audergon. Là encore, des outils existent et mériteraient d’être plus largement diffusés, alors qu’ils restent cantonnés à la recherche. On peut citer la spectroscopie infrarouge présentée par Sylvie Bureau (Inrae), qui permet des mesures directement au verger. « Nous n’avons plus l’excuse que “le consommateur n’en veut pas” si nous arrivons à vraiment mettre en place une approche participative sur toute la chaîne, avec des collaborations en amont et une implémentation », a martelé Danilo Christen.
Dans ce débat, les pouvoirs publics ont été attentifs. Ils veulent intégrer au mieux les changements à l’œuvre et y apporter des solutions, tel que l’a conclu, de façon limpide, Bruno Ferreira, directeur de la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes : « Pendant longtemps, nous avons été dans l’accompagnement sur des logiques de guichet. On finance souvent de beaux projets, mais on a en réalité de belles étagères ! On entend qu’il faut apporter plus de systémique favorisant une utilisation pratique, cela nécessite de se poser des questions nouvelles. C’est une vraie révolution que nous sommes en train de vivre dans la logique de construction des appels à projet, dans un continuum recherche-production ».