Face à la croissance continue du marché mondial du bio et des débats concernant sa « démocratisation » au risque d’y perdre son âme, l’Agence Bio réaffirme les valeurs indissociables de la production biologique.
Le séminaire international de l’Agence Bio s’est tenu le 18 juin dernier à Paris. Il s’est déroulé à guichet fermé, tant le sujet a fait salle comble : les enjeux sociaux et environnementaux qui concernent l’agriculture biologique aujourd’hui, tels le maintien de la biodiversité agricole et alimentaire, l’accès à une alimentation bio pour tous, le développement de flux internationaux bio et équitables ou encore la défense de la notion de « services environnementaux » qui seraient rendus par l’agriculture bio… Bref, l’occasion de réaffirmer les valeurs inhérentes à l’idéal d’agriculture biologique historique, mais qui ne sont pas inscrites en tant que telles dans le cahier des charges du label AB actuel. L’Agence Bio, par la voix de son nouveau président Philippe Henry, a ainsi fixé un cap clair et a présenté des témoignages et initiatives de France et du monde entier pour inspirer les professionnels et les politiques présents dans la salle. La journée s’est terminée par l’allocution du ministre Didier Guillaume, qui a réaffirmé sa volonté que la France soit leader mondiale du bio et de l’agroécologie (avec l’objectif de doubler la SAU bio d’ici trois à quatre ans), son souhait de ne pas opposer les modèles, mais d’avancer en réseau, et que l’enjeu à l’heure du changement d’échelle de la bio soit la structuration des filières et le partage de la valeur du producteur au consommateur. Sur ce dernier aspect, à notre question des moyens mis en œuvre par le gouvernement, il a répondu : « Tout ne doit pas venir d’en haut. Je crois aux initiatives qui partent du terrain, des professionnels. Les exemples de filières équitables sont à ce titre intéressantes. C’est le moment d’avancer sur ces thématiques. »
Nous retiendrons des débats la convergence des demandes des consommateurs bio pour une promesse qui va au-delà du seul label bio, exigeant aussi de l’équitable, une attention particulière au local et au bilan carbone, ainsi qu’à la notion d’innocuité des produits bio, récemment mise en débat par l’émergence des labels « zéro résidu » et quelques publications médiatiques. L’Agence Bio prend acte de ces demandes et de la nécessité de « mieux communiquer sur ce que nous sommes, d’être transparents, pédagogues », a souligné Philippe Henry en fin de journée. Parmi les initiatives présentées, soulignons les magasins coopératifs comme voie de solution pour proposer une alimentation bio accessible à tous, bien que, malgré le travail bénévole des adhérents, le panier bio moyen demeure plus cher que son équivalent conventionnel dans la grande enseigne d’à côté, selon les travaux de Catherine Closson de l’Université libre de Bruxelles : « Une alimentation bio, durable et éthique, ça a un prix qu’il faut expliquer pour que les consommateurs les moins initiés puissent y consentir, mais les consommateurs, surtout les plus vulnérables, ne peuvent pas supporter seuls le coût de la transition alimentaire. » Et de citer des exemples de femmes en pleurs de ne pouvoir offrir une alimentation bio à leurs enfants. Elle en appelle à la puissance publique pour agir sur les inégalités sociales et économiques au sens large.
Notons également l’intervention de Vincenzo Linarello, fondateur du groupe GOEL, coopérative dans le sud de l’Italie, qui soutient une agriculture bio mais également des services de santé, des cosmétiques, du tourisme et de la mode responsables dans un territoire sous l’emprise de la Ndrangheta : une manière de résister à la mafia par l’économie sociale, solidaire et bio ! Enfin, en ce qui concerne les paiements pour services environnementaux, qui sont un enjeu pour la prochaine Pac, les quatre intervenants s’accordent sur ce que le sujet concerne autant l’agriculture conventionnelle « vertueuse » que l’agriculture bio, dont le seul cahier des charges AB ne garantit pas, par exemple, la mise en place d’infrastructures agroécologiques.
Les débats sont disponibles en ligne : agencebio.org