L’éducation alimentaire n’a que partiellement sa place à l’école et de manière trop hétérogène, selon l’association Open Agrifood à Orléans : ni partout, ni pour tous. D’où un débat citoyen pour mieux comprendre les attentes de la société.
En présence d’un parterre d’élus professionnels et de la République, du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, d’acteurs économiques et d’enfants de 6 à 13 ans, l’Open Agrifood a tenu un débat citoyen au Salon international de l’agriculture le 28 février dernier, afin de mieux écouter les préoccupations et attentes de jeunes citoyens en devenir, de même que pousser l’idée : « l’École peut-elle être une solution pour mieux manger ? »
L’agence Grand Public, ayant interviewé en amont des enfants de plusieurs écoles de la région parisienne, d’Orléans et de Sète, puis organisé le débat en direct le jour J, a permis de prendre le pouls. Les enfants d’aujourd’hui sont très conscients de la nécessité du « bien manger », des risques d’inégalités sociales et d’accessibilité à une alimentation saine et équilibrée. Ils concentrent quelques angoisses existentielles (état de la planète, maladies liées à une mauvaise alimentation, érosion de la souveraineté alimentaire, etc.), mais évoquent pêle-mêle des notions contradictoires ou floues à leur niveau : bio vs non bio, frais vs surgelé, bon vs plaisir, local vs lointain… D’où l’enjeu partagé de remettre l’éducation alimentaire au cœur des apprentissages. « Je voudrais, dans les manuels scolaires, un accès à l’éducation alimentaire pour tous. C’est ce qui nous rassemble tous : le vivre ensemble et le bien commun. Nous sommes une terre de diversité, de gastronomie, il est nécessaire de continuer à la promouvoir », plaide Emmanuel Vasseneix, coprésident du programme Open Agrifood.
Face aux interrogations des enfants, chacun a apporté quelques bribes de réponses ou des pistes de réflexion pour avancer dans le sens d’une éducation alimentaire à l’école. Se reconnecter avec l’Éducation nationale, rétablir une culture culinaire à l’école, des cours de cuisine obligatoires de la maternelle au collège pour pallier le défaut de transmission familiale, recréer un lien sur les filières professionnelles, promouvoir ce qui est servi dans les cantines et former les professionnels de ces mêmes cantines, se reconnecter au vivant et à l’agriculture dans des rituels d’apprentissage… sont autant de bonnes intentions, voire réalisations, qui ont été avancées. Le débat a permis également d’entrevoir la palette de professionnels gravitant autour de cet enjeu d’une alimentation durable, entre diététiciens, médecins spécialisés, associations d’éducation alimentaire, enseignants et parents d’élèves… « Ils ne manquent pas d’énergie, ces petits. C’est touchant de vous écouter. Vous êtes avides de savoir, vous vous posez beaucoup de questions, et c’est un bon point. Je retiens la phrase : “c’est plus important d’être agriculteur que footballeur”. Ce que l’on peut mieux faire, c’est réapprendre à faire, mettre la main à la pâte. Nous préconisons qu’il y ait un moment dédié pour cet apprentissage. Apprendre ce plaisir-là de cuisiner, de consommer, de partager », abonde Christiane Lambert, marraine du Manifeste pour une éducation alimentaire. « C’est une volonté politique que de remettre l’alimentation au cœur de la cité. C’est juste du bon sens », exhorte Guillaume Gomez, chef cuisinier, parrain de ce même manifeste. Sommé de répondre à toutes les interrogations, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a reconnu qu’il est « compliqué de prendre des décisions, car les citoyens demandent beaucoup de choses contradictoires ». Il pousse à une éducation à l’alimentation qui soit celle de la « diversité, à la variété des produits », de dépasser la « culture du risque » qui a sclérosé les initiatives ces vingt dernières années, d’éduquer à l’agriculture. « Produire reste un petit miracle tous les jours, le producteur est au cœur de l’alimentation, il ne faut pas l’oublier. » Enfin, « il n’y a pas d’alimentation sans moment de partage et de plaisir. Apprendre à manger différemment passe par ces fondamentaux. »
« L’éducation alimentaire au sein des programmes scolaires est une priorité pour Open Agrifood. Notre association a rédigé l’an dernier, en ce sens, un manifeste pour rappeler les 4 piliers fondamentaux de la chaîne alimentaire chez l’enfant : apprendre à cultiver, à cuisiner, à goûter, à choisir », a expliqué Florence Dupraz, directrice d’Open Agrifood, en amont du débat. Et de recommander à chacun de signer ce manifeste, d’engager des actions, à défaut d’avancée concrète de l’Éducation nationale.