Risques climatiques et impasses phytosanitaires ont occupé une grande place dans les discussions animées des arboriculteurs à l’occasion du congrès de la FNPF (Fédération nationale des producteurs de fruits).
Suspendus à l’annonce imminente du Plan de souveraineté alimentaire, les producteurs de fruits ont pu exprimer leur inquiétude et leur lassitude dans un contexte difficile, lors de leur rassemblement annuel à Arles les 16 et 17 février. « Pression foncière, contraintes réglementaires, crise énergétique, auxquelles vient s’ajouter inflation, et surtout distorsion de concurrence vis-à-vis de l’importation… Ces facteurs sont des obstacles au maintien de la filière et contribuent à dégrader la souveraineté française », a déclaré Lucien Limousin, vice-président du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône en charge de l’agriculture. Après les discours officiels des élus locaux, rappelant l’importance de l’arboriculture dans l’économie bucco-rhodanienne, et promettant tous leur soutien aux agriculteurs, la FNPF a dressé un bilan des actions syndicales menées en 2022, articulées autour de trois sujets majeurs.
La réforme de l’assurance récolte, soutenue par la FNPF, a été présentée aux participants. « En 2022, moins de 5 % des arboriculteurs étaient assurés par des contrats multiclimatiques. L’objectif est d’atteindre 30 %. Même si ce nouveau système est encore imparfait, il est nécessaire qu’un maximum de producteurs s’engagent, car c’est une stratégie nationale de long terme, qui trouvera son équilibre quand les cotisations seront à la hauteur des indemnisations prévues », a expliqué Bruno Darnaud, administrateur. La disparition du régime de calamité agricole et la mise en place d’un fonds de solidarité nationale applicable à tous, assurés ou non, pour couvrir les sinistres au-delà de 50 % de perte, devraient « inciter les producteurs à considérer cette assurance, indispensable en cas de coup dur pour repartir l’année suivante ».
Le Plan de souveraineté alimentaire, en cours de finalisation avec le ministère, a suscité de nombreuses réactions dans la salle. Que peut-on en attendre concrètement ? Jacques Rouchaussé, président du CTIFL et de Légumes de France, a assuré qu’il ne signera pas un plan qui ne serait pas à la hauteur des enjeux. À l’image de la filière cerise, en grave difficulté, « d’autres filières pourraient se retrouver bientôt au pied du mur, faute d’alternative viables à la suppression de matières actives », a prévenu Aurélien Soubeyran, administrateur de la FNPF et producteur en Ardèche. « La filière a fait le maximum d’effort pour combattre la drosophile, mais en six ans elle n’a reçu aucun financement pour la recherche. Les pouvoirs publics doivent prendre conscience que le vide laissé par la production française sur le marché sera comblé par des importations, ce qui va à l’encontre des objectifs de souveraineté annoncés. Nous sommes tous prêts ici à relever le défi, à condition d’en avoir les moyens techniques et économiques. »
Au sujet de la lutte phytosanitaire, la FNPF a engagé des travaux avec d’autres pays producteurs (Espagne, Italie, Grèce) pour porter ensemble les dossiers auprès des institutions européennes et défendre la production. « Ne mettons pas dans nos assiettes ce que nous voulons pas dans nos champs. L’application des clauses miroirs est un préalable à la confiance entre nous », a rappelé Luc Barbier, secrétaire général de la FNPF, à l’intention des représentants du ministère.
Le vendredi matin, les analyses d’Éric Birlouez, sociologue, et d’Olivier Dauvers, expert de la distribution, ont fait réagir l’assemblée. « Face à des attentes consommateurs en pleine mue, l’inflation vient rebattre les cartes. On observe une fragmentation de la population vis-à-vis de la transition alimentaire, plus sur la génération et le niveau d’études que sur le niveau de revenus », a affirmé Éric Birlouez. « Le consommateur est en proie à une frustration qui est la résultante entre son pouvoir d’achat et son vouloir d’achat », a expliqué Olivier Dauvers. Il effectue donc des arbitrages en fonction de la valeur qu’il accorde à chaque produit. « Et son consentement à payer dépend de sa bonne compréhension de l’effort réalisé par les fournisseurs. » Pour cela, il est indispensable de mieux communiquer auprès des consommateurs sur la valeur, « en insistant sur le plaisir plutôt que l’injonction santé du PNNS », selon Luc Barbier. En ce qui concerne le prix, ce dernier a reconnu « qu’une plus grande concentration de l’offre, une meilleure organisation du marché permettraient de maintenir des niveaux raisonnables auprès des centrales d’achat ».