Faute de boule de cristal pour anticiper où va le shopper, il semble préférable de surfer sur les tendances observées dès à présent dans les comportements de consommation, estime Frédéric Dokhan, spécialiste de l’observation du comportement de nos concitoyens dans le point de vente.
Bien qu’éloigné momentanément des rayons suite au confinement, le cabinet Segments dirigé par Frédéric Dokhan poursuit son travail par enquête téléphonique sur l’évolution des comportements d’achat pendant et après la crise sanitaire. Le premier constat produit par l’analyse réalisée mi-juin montre que de nombreux shoppers se sont découvert des compétences et un plaisir culinaire à partir de produits bruts et qu’ils aimeraient perpétuer ces pratiques. Mais, après le déconfinement, ils se heurtent au mur du temps disponible, même si une partie de la population laborieuse demeure durablement en télétravail. Il faut donc trouver des solutions pour leur procurer des produits bruts faciles à préparer, par exemple des pommes de terre micro-ondables. « Ce qui a aussi changé est le mode de préparation des courses, beaucoup plus anticipées, de manière à optimiser le temps qui y sera consacré dans les points de vente. Du coup, il serait judicieux que ceux-ci puissent proposer sur leur site internet une visite virtuelle du magasin et des produits. Ainsi qu’ils indiquent, outre les heures d’ouverture, celles d’affluence afin de favoriser la fluidité du trafic sur les rayons des métiers de bouche. » Pendant le confinement, prospectus et promotions ont pratiquement disparu avec une hausse des prix ressentie par les acheteurs. Il faut donc relancer le processus mais selon d’autres mécanismes, moins axés sur la promotion volume/prix. « Il serait intéressant de promouvoir des produits de qualité supérieure d’origine française afin de les rendre plus accessibles, c’est d’ailleurs un axe de travail de l’Institut du commerce », propose Frédéric Dokhan.
Les circuits d’achat ont connu une évolution accélérée avec un recentrage des achats sur un nombre réduit de points de vente. Le tout sous le même toit intéresse toujours, mais il faudrait en repenser l’ergonomie alors qu’elle n’a pas évolué depuis vingt ans. En forte hausse, les clients du drive trouvent l’hypermarché trop grand et compliqué, générateur de perte de temps. L’hypermarché conserve les atouts de son saisonnier, de ses rayons métiers et de ses promotions, mais le reste est à repenser. Supermarché et drive sont plébiscités pour les gains de temps occasionnés, mais quel format gagnera la course pour être le meilleur complément du drive ? Par ailleurs, les acquis hygiéniques de la crise, gel hydroalcoolique à l’entrée du rayon fruits et légumes en LS, désinfection des caddies, paiement sans contact, doivent être consolidés, sans retour en arrière. Enfin, les rayons métiers traditionnels restent plébiscités pour la fraîcheur, la qualité des produits, le choix, mais aussi l’absence d’emballage. Le vrac, l’absence de plastique restent des enjeux importants, mais la présentation doit être repensée en matière d’attractivité, de moindres manipulations et d’usage, s’agissant de produits bruts dont les modalités de préparation sont de plus en plus méconnues. Les ventes de fruits et légumes en vrac ont effectivement baissé durant la crise pour des raisons d’inquiétude sanitaire. La réponse souhaitée serait un rayon vrac servi avec des marques et des origines bien identifiables. Car il n’y a pas de contradiction entre marque et vrac.
« Concernant le rayon fruits et légumes, les consommateurs le trouvent régulièrement déshumanisé et s’étonnent toujours qu’il n’ait pas de responsable identifié comme au rayon boucherie. » Un sérieux travail de recalage du rayon F&L serait donc souhaitable, d’autant que l’offre de fruits et légumes en drive est loin d’être satisfaisante, la différence étant souvent trop importante entre la photo sur le site internet et le produit livré. Sur le fond, le rejet des produits industriels reste très puissant, même si ce point reste à confirmer dans les prochains mois, et les livres de cuisines cartonnent en librairie : voilà des tendances intéressantes sur lesquelles amont et aval ont matière à rebondir, de concert autant que possible !