Frans Scholts dirige Hoogsteder, une filiale du groupe néerlandais The Greenery, dédiée à l’exportation et au commerce de fruits et légumes dans différents pays d’Europe de l’Ouest dont la France. Si la crise révèle l’engagement des hommes dans l’action solidaire, certaines relations demeurent également sous forte tension.
Comment la crise s’est-elle introduite dans votre activité ?
Pour ma part, fin février, j’ai décidé d’interdire l’entrée dans les bureaux et les entrepôts aux personnes étrangères à nos services, car je tenais à faire comprendre à nos équipes que nous allions vers quelque chose de très sérieux. Naturellement, les transferts brutaux de flux induits par la fermeture des restaurants sous toutes leurs formes ont été très perturbants. Avec le chaos dans les magasins et la réaction de stockage très instinctive des consommateurs, nous avons dû faire face à l’explosion de demande sur certaines références, alors que d’autres disparaissaient du jour au lendemain. C’est ainsi que Koppert Kress, fournisseur spécialiste des herbes fraîches, a vu son business s’arrêter brutalement, ce qui le met dans une situation très difficile. Nous faisons tout notre possible pour le soutenir afin qu’il soit prêt à redémarrer. Fondamentalement, The Greenery et sa filiale Hoogsteder sont actuellement en bonne situation, d’abord parce que nous exerçons dans l’alimentaire, ensuite parce que nous sommes très bien organisés et réactifs. Avec la grande distribution comme client privilégié, nous étions positionnés pour répondre au transfert de besoins. Et si les grossistes ont concédé du terrain au début, nous ressentons progressivement leur retour. Les consommateurs ont retrouvé confiance et régulent désormais leurs achats.
Sur le plan humain, comment cela se passe-t-il ?
Le personnel de bureau est à 90 % chez lui en télétravail, avec une organisation très fluide. J’irais même jusqu’à dire que, à certains égards, cela fonctionne mieux qu’à l’ordinaire ! Chacun est autonome, ce qui n’empêche qu’il y ait aussi des moments difficiles, des moments de peur attisés par les médias. Le partenariat consolidé avec un certain nombre d’enseignes aux Pays-Bas, en Allemagne, nous a permis de faire pour le mieux, de manière constructive, mais je dois encore déplorer que certains acheteurs ne vivent pas dans le même monde que nous et restent excessivement durs dans les négociations, alors qu’il est essentiel de soutenir la production européenne. Ce monde a évolué, mais pas encore suffisamment. Je compte beaucoup sur la jeune génération, dans la tranche d’âge 20-40 ans, qui travaille pour vivre, alors que ma génération a vécu pour travailler… et oublié l’essentiel. Et c’est là aussi peut-être un des messages à retenir de cette crise. Pour être complet, je dois aussi souligner le rôle essentiel joué par nos partenaires transporteurs très réactifs dans cette période si délicate sur le plan logistique.
Quid des préférences nationales en situation de crise ?
J’observe une préférence hollandaise sur notre marché intérieur, mais pas au même niveau que dans d’autres pays, dont la France. Pays producteur de fruits et légumes, les Pays-Bas sont fondamentalement un pays de flux et de commerce. Nous nous efforçons depuis une dizaine d’années de développer des flux franco-français à la demande de nos clients français en y apportant notre savoir-faire, notre réactivité, notre agilité et en valorisant le produit de nos fournisseurs et je déplore que notre organisation soit encore parfois montrée du doigt.