Lors du Bonial Day, le 5 décembre à Paris, les défis pour le secteur de la distribution demain étaient au cœur des échanges. Une réflexion essentielle face aux enjeux environnementaux et économiques actuels.
Dans un monde complexe, qui subit des changements de plus en plus rapides, « faire des ajustements à la marge ne suffira plus. Il faut déconstruire pour reconstruire et imaginer avec audace le commerce de demain », a déclaré Laurent Landel, président de Bonial France, en ouverture de la 3e édition du Bonial Day à Paris.
Jean-Marc Jancovici, fondateur de Carbone 4 et président du Shift Project, a partagé sa lecture physique de l’économie confrontée à l’urgence climatique, n’hésitant pas à bousculer l’assemblée de professionnels de la distribution. « Dans un contexte de raréfaction des ressources énergétiques et de nécessaire sobriété pour aller vers moins d’émissions de gaz à effet de serre, la grande distribution, dont le business model est la massification, n’est pas bien positionnée. »
Un véritable engagement au plus haut niveau
Il a aussi rappelé qu’on ne pourra pas échapper à cette tendance, car le niveau d’effort actuel n’est pas dans le bon ordre de grandeur, précisant que pour maintenir le réchauffement en-deçà de 2 °C, il faudrait dès demain réduire de 5 % nos émissions de GES tous les ans, soit l’équivalent de ce qui avait été observé l’année du Covid, où l’industrie avait tourné au ralenti.
« Même si c’est difficile à comprendre et à entendre, les flux physiques sont en train de se contracter en Europe. On les mesure grâce à des indicateurs comme le nombre de tonnes chargées sur les camions ou le nombre de mètres carrés construits chaque année. Cela va nécessiter d’organiser un partage, et pour cela de donner de la visibilité et de la sécurité en planifiant la transition. » Selon lui, cela implique, pour les distributeurs, un véritable engagement au plus haut niveau, « pas juste un responsable RSE dans son coin ».
Un message entendu par Thierry Cotillard, président du groupement Les Mousquetaires, qui a reconnu que le sujet de l’inflation ne devait pas faire passer l’urgence climatique au second plan. « On va être poussé par une nouvelle génération de consommateurs qui ne décidera pas que par le prix. Les engagements sociétaux que l’on prendra pourront faire basculer les clients d’une enseigne à l’autre », a-t-il souligné, avant de revenir sur les injonctions contradictoires des consommateurs, qui arbitrent entre désir d’environnement et désir de consommation, avec un pouvoir d’achat contraint.
« Rendre accessible la côte de bœuf »
« Je ne suis pas fataliste de la déconsommation. Nous avons une responsabilité pour la relancer, en agissant sur les prix. Notre objectif est de rendre accessible la côte de bœuf », a précisé le patron d’Intermarché, assumant sa concurrence franche avec les autres enseignes. « Un commerce responsable nécessite des investissements pour la décarbonation à chaque maillon de la chaîne, notamment en amont. Nous attendons des pouvoirs publics des subventions pour que toute la chaîne se mette en mouvement. » Il a accepté le rôle de pédagogie de la distribution.
Une idée reprise par Olivier Dauvers, qu’il a illustré d’une dizaine d’exemples en rayon pour inciter les clients à participer à l’économie circulaire et les informer sur les externalités positives ou négatives de leur comportement d’achat. « Des petites modifications peuvent progressivement changer la trajectoire de façon moins douloureuse. Sans embarquer le consommateur, on ne construira rien. »