Agriculture biologique : vers une transition soutenue par les politiques publiques

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    Les leviers de développement de l’agriculture biologique et le rôle des collectivités ont été examinés lors d’une journée de colloque riche en échanges.

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    Un colloque sur l’agriculture biologique a été organisé au Sénat par Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, et Daniel Salmon, sénateur d’Ille-et-Vilaine, avec la participation de la Fnab (Fédération nationale d’agriculture biologique), le 17 février dernier. « La protection des cultures fait face à un biais cognitif, l’idée selon laquelle il y aura toujours de nouveaux pesticides issus de la chimie de synthèse ou d’origine naturelle, ce qui est faux. Le nombre de modes d’action est limité, il faut sortir de cette logique », a alerté Christian Huygue, président d’un groupe de travail biocontrôle à l’Inrae.

    Le chercheur a rappelé les bénéfices que peuvent apporter les systèmes agroécologiques, qui reposent sur des principes de régulation plutôt que de suppression des bioagresseurs. Les intervenants ont célébré le rôle « d’une agriculture du vivant », considérée comme socle de la souveraineté alimentaire. Le scénario « Ten Years For Agroecology in Europe », développé par l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), montre qu’il est possible de nourrir les Européens selon les recommandations nutritionnelles et en se passant de pesticides de synthèse et d’intrants en 2050. Un scénario certes possible, mais qui suppose des transformations importantes de leur régime alimentaire (moins de produits carnés et plus de fruits, légumes et protéines végétales) et des systèmes agricoles.

    Produire bio engendre des surcoûts pour les exploitations qu’il faudra réussir à absorber, pour un modèle économique viable. Ce qui passera vraisemblablement par une augmentation des surfaces bio afin de réaliser des économies d’échelles sur un territoire donné, une « massification de l’agriculture biologique » pour gagner en compétitivité.

    Une rémunération des agriculteurs

    « Il y a une légitimité à ce que la politique publique rémunère des points qui ne seront pas couverts par le marché. L’agriculture biologique arrive en tête des systèmes agronomiques qui méritent de trouver une rémunération via des mesures dites environnementales dans la politique agricole », a assuré Aurélie Catallo, directrice agriculture France de l’Iddri.

    Durant ce colloque, quatre collectivités ont témoigné sur leur rôle dans la transition agroécologique. Parmi elles, l’agglomération de Douaisis : « Nous mettons en place un paiement pour services environnementaux et de santé publique, afin d’accélérer la transition sur le périmètre de l’agglomération », a expliqué Jean-Luc Hallé, vice-président en charge de la transition alimentaire et agricole de Douaisis Agglo. Une aide incitative à la conversion bio, qui soulève des enjeux de financements publics ou privés.

    Les intervenants ont évoqué une rémunération des agriculteurs par les politiques publiques pour les services écosystémiques rendus par des pratiques agricoles vertueuses telle que la bio. Par opposition, l’agriculture conventionnelle engendre des « coûts cachés », notamment la pollution de certaines zones de captage d’eau par des pesticides, comme sur la plaine d’Aunis près de la Rochelle. « On ne pourra plus garantir l’accès à l’eau potable si on ne change pas nos pratiques agricoles », a déclaré Mathilde Roussel, vice-présidente en charge du Projet alimentaire de territoire pour la Communauté d’agglomération de La Rochelle.

    Dans un climat de défiance autour de la bio conséquente à la menace de retrait de l’Agence Bio, mais aussi de tensions entre le public et les agriculteurs sur son territoire, elle a rappelé le besoin de soutien des pouvoirs publiques pour développer l’AB, « plus durable écologiquement, économiquement et aussi socialement : l’agriculture biologique pourrait être un levier pour apaiser la société ».