Le 31 août, le lancement annuel de campagne pommes et poires pour la saison 2023-2024 a rassemblé quelque 170 décideurs qui « font » la filière, sur toute la chaîne, autour de l’ANPP. La saison s’est ouverte avec un mois d’août exceptionnel pour le marché de la pomme en France. Mais en fond de tableau, la filière doit désormais composer avec une consommation et des linéaires en chute libre. Un enjeu qui s’adresse à l’ensemble des acteurs.
C’est dans une salle comble à Paris que s’est tenu le 31 août le lancement annuel de campagne pommes et poires pour la saison 2023-2024, rassemblant quelque 170 décideurs qui « font » la filière, sur toute la chaîne.
« Les campagnes se suivent et ne se ressemblent pas », a entonné Daniel Sauvaître, président de l’ANPP, rappelant l’ambiance délétère à la même époque la saison passée, avec des entreprises obnubilées par ces hausses de coûts de production sans précédent et limitées dans leurs élans par un nouvel épisode de gel de printemps. Extrême opposé cette année : le mois d’août de redémarrage de saison a été exceptionnel, ce que confirment tous les producteurs et bassins de production sondés. Flux réguliers, stocks de la saison dernière au plus bas, flux d’hémisphère sud moins présents qu’à l’accoutumée, et surtout une très belle récolte, en quantité et en qualité : cela faisait bien longtemps qu’une telle reprise dans la confiance ne s’était vécue. « Nous sommes réunis pour réussir cette campagne. Les consommateurs pourront se satisfaire cette année de bons fruits, avec un bon taux de sucre, un bon calibre, une bonne qualité gustative », résume Daniel Sauvaître.
Revenir vers l’export
Les premières prévisions livrées au Prognosfruit début août n’ont pas démérité depuis : la tendance est favorable pour la pomme, notamment en France. Avec 1,5 Mt, la récolte française 2023 devrait augmenter de 8 % par rapport à 2022 et de 10 % par rapport à la moyenne triennale. Une donnée qui permettra peut-être aux producteurs français de revenir cette saison un peu plus à l’export – qui a atteint son niveau le plus bas autour de 300 000 t – et de servir de façon plus homogène et continue les industriels de la compote. Car cette donnée est aussi à remettre en perspective dans le contexte européen et mondial : recul de la Pologne de -11 % à 3,9 Mt (dont 70 % destinées au marché de l’industrie) et globalement -3 %/2022 pour l’UE à 27 à 11,4 Mt. Hors UE, la Chine accuse aussi un repli, « ce qui aura une incidence sur le marché intérieur », souligne Vincent Guérin, économiste de l’ANPP.
En poire, la dynamique ne s’essouffle pas mais la récolte 2023 est annoncée plus faible du fait de l’alternance naturelle sur cette espèce et de la canicule de l’été : 105 000 t, soit -29 %/2022, dans une Europe qui vit la même tendance (1,75 Mt, soit une des récoltes les plus basses de ces dernières années). Mais le verger se renouvelle bel et bien avec des variétés club prometteuses.
L’enjeu de relancer la consommation
La filière le sait : tendanciellement, elle peine à recruter de jeunes consommateurs et les achats en volumes sont en recul. Mais l’inflation et la frilosité des marchés ont donné un sérieux coup d’arrêt aux achats alimentaires : -11,4 % de baisse en volume quand les dépenses ont grimpé de +4,2 % sur les 18 derniers mois (et au global, +18,4 % du prix de l’alimentation sur 18 mois). L’œil et le savoir-faire de la force de vente Promofel ont également permis de poser ce constat alarmant : les linéaires des hypermarchés ont en moyenne « perdu 6,6 références de pommes entre janvier 2022 et janvier 2023, et c’est du jamais vu », selon Sandrine Gaborieau, responsable marketing et communication de l’ANPP.
À cela s’ajoute les coûts de production, qui, s’ils ne flambent plus, restent durablement élevés (chiffrage détaillé à l’appui). La filière continue par ailleurs à investir sur la valeur, en travaillant sur l’enjeu du carbone, intégré désormais à la charte des Vergers écoresponsables. Si le bilan – déjà calculé – est intéressant en verger, des gains sur les émissions de CO2 sont encore à aller chercher, notamment en logistique. Une raison de plus pour travailler « en filière » entre fournisseurs et distributeurs.
Réussir la préparation de campagne
Les réponses ne sont évidemment pas simples et on peut souligner que les messages tant des grossistes, des industriels, des sociétés de restauration et des distributeurs présents ont été moins tonitruants que l’an passé (où l’on se remémore par exemple l’annonce de deux enseignes de recentrer les achats sur du 100% origine France). « Dans l’idée de mieux vendre, de valoriser ces produits, une des clés est de réussir en amont la préparation de campagne », soufflent Alexandre Goupilleau chez Lidl et Laurent Verdier chez Auchan. « Il y a toujours une consommation en berne et une problématique prix, quels que soient les efforts effectués. Il va falloir analyser les ressorts pour faire repartir la consommation, car la pomme reste un produit peu cher à l’unité ! Peut-être que communiquer sur le prix portion plutôt que le prix au kilo aurait plus de sens ? » interroge le grossiste Guy-Bernard Cordier (Le Saint).
« On ne va pas trembler devant 15 000 t de pommes polonaises, qui ne pèsent rien parmi l’offre française ! En revanche, vous avez devant vous une panoplie de grossistes de carreau et de Gasc : allez les voir, ne restez pas sur la défensive, nous avons besoin d’action et de propositions pour dynamiser les ventes », réagit Didier Marques, grossiste à Rungis et président de l’UNCGFL.
Il faudra prendre des décisions
« Vous relevez les incohérences de prix en magasin et vous avez raison. Pourtant le prix reste la clé d’entrée, il nous faudra toujours des premiers prix. Mais ce n’est pas là-dessus que nous faisons de la marge, la segmentation est indispensable. À nous de trouver des solutions pour créer de nouvelles habitudes consommateurs. Peut-être qu’il faudra prendre des décisions aussi : par exemple, arrêter de vendre de la Gala en fin de campagne quand elle est moins bonne », ajoute Olivier Potel, directeur des achats fruits et légumes chez E. Leclerc Scafel.
En attendant une nouvelle donne sur la saison, la filière pourra compter sur un plan de communication renouvelé autour des Vergers écoresponsables intégrant ces préoccupations actuelles de « pouvoir d’achat », en vue de dynamiser la consommation autour de trois personae types : papa avec enfant, femme enceinte, couple de seniors. Une nouvelle campagne TV aura lieu du 31 octobre au 3 décembre 2023 puis en février 2024. Elle sera complétée de dispositifs en magasins, sur les marchés de gros, en restauration, associée à des événements (opération « vergers ouverts » à partir du 2 septembre, salon de l’agriculture, courses sportives en faveur de la lutte contre le cancer…), et des actions sur les réseaux sociaux.
Pour rappel : Prognosfruit : premières prévisions de récolte en pommes et en poires