Vingt ans après la dernière célébration, l’institut technique de la filière fruits et légumes a tenu à souffler ses 70 bougies le 17 octobre dernier sur le Min de Rungis.
Un événement en grande pompe : 250 invités présents dont une partie des cadres de l’institut, et tout un parcours imaginé à la fois en virtuel et par atelier pour « montrer ce que le CTIFL a réalisé depuis soixante-dix ans, l’impact sur la filière, attirer les professionnels à évaluer l’ampleur des travaux », témoigne Philippe Husson, directeur valorisation et transfert. Dans les projets présentés, on relève la diversité des thématiques comme leur dimension, de la génétique (exemple d’Inobreed jusqu’en 2026), aux sols (Best4soil), à la neutralité carbone dans une dimension européenne (Climate farm demo jusqu’en 2029) ou la robotisation (UV-Robot jusqu’en 2033). Exercice d’équilibriste et défi de tous les jours que d’embrasser à la fois les grandes causes sur des méta-projets aux multiples partenaires et financeurs, tout en devant répondre aux attentes immédiates de la filière, ces dernières devenant de plus en plus pressantes dans un monde en ébullition… ce que n’ont pas manqué de rappeler çà et là les professionnels dans les allées et au cours du dîner. Lequel était préparé aux petits oignons et surtout avec des fruits et légumes de saison par le chef Charles Soussin. Le message enregistré du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, abonde dans ce sens : « Les fruits et légumes sont un élément important de la souveraineté alimentaire, qui se dégrade. Le défi sera d’augmenter la production par des méthodes durables et d’accompagner la filière dans les recherches d’alternatives. » Sélection variétale, robotique, digitalisation sur toute la chaîne, biocontrôle, technologies pour une agriculture de précision, décarbonation, redynamiser la consommation… sont autant de leviers à actionner.
Point de nostalgie cependant : « Il est important de montrer ce que le CTIFL va faire dans les cinquante ans à venir. Demain et ensemble », projette Jacques Rouchaussé, son président. La tâche apparaît éminemment complexe, avec le sentiment actuel de ne plus arriver à maîtriser grand-chose… « Incertitude est le mot qui caractérise notre période actuelle. Le comportement des Français commence à changer. Depuis le mois de juin, on constate une baisse du volume de ventes en raison de l’inflation et on observe beaucoup de contradictions entre le citoyen et le consommateur », commente Dominique Schelcher, président de Système U, qui a déclaré avoir tenu à assister personnellement à cet événement. L’auteur du Bonheur est dans le près a pointé quelques recommandations : « Les fruits et légumes doivent être bons, sains, abordables. Cela reste l’attente de base. On nous demande davantage de produits locaux, le bio recule. Donc notre sujet est de ré-expliquer toute la valeur de ces produits, il y a intérêt à faire preuve de pédagogie. L’autre défi est celui du gaspillage. Réapprendre la saisonnalité des fruits et légumes est une clé pour le faire reculer. La conscience progresse sur la nécessité de recourir moins aux importations. À nous de nous saisir de tous ces éléments-là. » Dernier défi commun, celui du e-commerce (drive, vente en ligne), qui pèse 10 % des ventes. « Les fruits et légumes ne sont pas assez mis en valeur dans ce circuit. Nous devons progresser sur la présentation et le discours qui va avec », appelle-t-il de ses vœux. Ludovic Guinard, directeur du CTIFL, lui a répondu que, parmi les travaux de l’institut, des tests grandeur réelles sont réalisés pour décortiquer les leviers d’achat ou « faire émerger le consommateur réellement acteur ».
In fine, après un repas festif, c’est non sans émotion que Jacques Rouchaussé a invité la filière à véritablement conduire son avenir « tous ensemble ». « S’il n’y a pas de débat, on ne peut pas avancer. Arrêtons les guerres stériles sur l’ensemble de notre filière, nous n’avons pas la solution individuellement. Les entreprises ont besoin du CTIFL et vice-versa. Soyons unis pour défendre notre planète et notre avenir, nos enfants en ont besoin et nous le valons bien. Co-construisons notre avenir ! Voilà le message clé pour les 70 ans du CTIFL ! » Un chemin encore hasardeux : les débats pendant le dîner autour de la question de la réduction des pesticides, d’une meilleure gestion de la ressource en eau ou de l’enjeu de décarboner la filière avec l’injonction de diminuer à terme le parc de serres tout en continuant à rechercher toutes les alternatives possibles (gazéification, solaire thermique, hydrogène…) ont fait grincer quelques dents.