Pêche-nectarine : l’hégémonie du rouge

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    Début septembre, c’est la saison des présentations variétales dans les stations expérimentales du Sud-Est. Des centaines de variétés sont évaluées à travers les critères de la charte variétale. Un dispositif précieux, amené à évoluer.

    La salle est comble au centre CTIFL de Balandran, ce jeudi 12 septembre, pour la présentation variétale pêche-nectarine. Julien Ruesch, en charge du programme pêche-nectarine de Balandran depuis le départ en retraite de Christian Hilaire, mène les débats, accompagné de Laetitia Cuny, de la station Sudexpé de Saint-Gilles. Au total 120 variétés sont passées en revue, évaluées selon leur comportement dans les vergers expérimentaux du centre, au regard des critères définis dans la charte d’expérimentation variétale. « Cette charte variétale va être refondée », annonce Sarah Moyse, directrice du centre de Balandran. « Dans un premier temps, un comité d’experts se saisit du dossier, avant qu’il ne soit soumis à consultation. »

    © végétable

    Une collection est ainsi proposée pour chacune des 4 sous-espèces et en pêche plate, présentée par chronologie de maturité, de début juin à mi-septembre. Chaque variété est présentée selon sa performance agronomique, sa productivité, son attrait et sa qualité gustative. En outre, les cas de sensibilité au monilia et au xanthomonas sont précisés, des critères de plus en plus prégnants dans un contexte de réduction des intrants. En ce qui concerne la qualité gustative, on note le bon niveau atteint par l’ensemble de la gamme et la large prédominance des variétés de saveur douce : 90 variétés douces ou très douces contre 17 variétés acidulées ou très acidulées et 2 équilibrées. Ce qui interpelle, en revanche, est l’homogénéité d’aspect de l’ensemble. Tout est rouge. Et les commentaires entendus montrent qu’il est habituel de considérer que c’est l’objectif à atteindre. Le consommateur préfèrerait le rouge : les variétés confiées par les éditeurs visent le rouge, les critères d’évaluation aussi. Du coup, une tendance bicolore est citée comme « un risque », une nuance rosée comme « une faiblesse ». Quant à l’éclat orangé, il semble absent des collections.

    Résultat : « On se trouve devant une gamme de quatre sous-espèces au goût et à l’aspect très proches », conclut Julien Ruesch, ajoutant qu’un épiderme trop foncé comporte aussi des inconvénients, comme pour le déclenchement de la maturité ou par sa sensibilité à la pluie.  Mais, dans les commerces, les rayons de pêche-nectarine uniformément rouges sont-ils attrayants ou ennuyeux ? La question mérite d’être posée. De surcroît, cette uniformité est très confondante. Le consommateur doit désormais s’en référer aux étiquettes pour différencier une nectarine à chair jaune d’une blanche. Bref, imaginer une segmentation visuelle des sous-espèces de pêche-nectarine pourrait être judicieux. Envisager une gamme orange ? L’éclat jaune-orangé d’une bicolore n’est-il pas attrayant ? Pourrait-on s’inspirer de la diversité des rayons de tomates, poivrons ou courgettes ? Ces questions sont posées aux professionnels par Yannick Montrognon, ingénieur de la Sefra, lors de la présentation variétale pêche-nectarine à la station d’Etoiles-sur-Rhône (26), début septembre. Pour lui, il est « crucial d’anticiper le marché à 10-15 ans, et pour cela, que les stations expérimentales élaborent leurs collections en fonction de stratégies établies par les professionnels, imaginant le rayon de demain ». La rigueur et l’indépendance du travail réalisé par le CTIFL et ses partenaires dans le cadre de ce protocole d’évaluation constituent un outil précieux pour la filière. Le potentiel créatif des hybrideurs-éditeurs en est un autre, sachant que chaque année entre 25 et 30 variétés nouvelles de pêche-nectarine sont déposées au service de l’Inra d’Avignon. Tous les ingrédients sont là pour préparer le rayon pêche-nectarine de demain !